Le Jeune Homme en costume de majo est le jeune frère de Manet, Gustave. Mlle V. en costume d'espada, est un portrait du modèle préféré de Manet, Victorine Meurent, travestie en homme, l'année même où la jeune fille a commencé à poser pour le peintre. Sur cette toile, Victorine est censée participer en tant qu’espada à une tauromachie. Tout est mis en œuvre cependant pour montrer que le tableau est une construction artificielle : Victorine, du fait de la menace représentée par le taureau, ne devrait normalement pas fixer le spectateur avec autant d'insistance. Manet ne visita l'Espagne qu'en 1865, il ne s'est peut-être familiarisé avec les coutumes de Madrid et les détails de la corrida qu'à travers le Voyage en Espagne de Théophile Gautier, ou les détails de la corrida donnés par Prosper Mérimée. Il avait en outre, dans son atelier, une collection de costumes qu'il utilisait comme accessoires et qui lui étaient fournis par un marchand espagnol du passage Jouffroy. Comme le remarque Beatrice Farwell, on retrouve le costume de Mlle V dans d'autres tableaux de Manet : le Chanteur espagnol et le Jeune Homme en costume de majo.
Une des toiles de Manet les plus connues, traitant de tauromachie, est son Homme mort, daté de 1864. L’œuvre, à l’origine, n’est en fait qu’une partie d’une composition plus vaste destinée au Salon de la même année, et intitulée Épisode d’une course de taureaux : le peintre, mécontent des critiques acerbes de Théophile Thoré-Burger et des caricatures que Bertall en a fait dans « Le Journal amusant », découpe l'Épisode en deux parties qui formeront deux toiles autonomes : L'Homme mort et La Corrida conservée à la Frick Collection à New York.
Manet découpe La Corrida de façon à garder trois toreros à la barrière (premier titre choisi pour cette œuvre était d'ailleurs Toreros en action), mais s'il voulait garder les hommes en pied, il fallait qu'il coupe pratiquement tout le taureau. L'artiste décida plutôt de couper les pieds du torero de gauche et de rogner sur la foule dans les gradins.
Lorsque Manet a réalisé Épisode d’une course de taureaux, il n'était encore jamais allé en Espagne. C'est à la suite de ce voyage qu'il exprime son admiration pour la corrida dans une lettre adressée à Baudelaire le 14 septembre 1865 : « Un des plus beaux, des plus curieux, et des plus terribles spectacles que l'on puisse voir, c'est une course de taureaux. J'espère, à mon retour, mettre sur la toile l'aspect brillant, papillotant et en même temps dramatique de la corrida à laquelle j'ai assisté. » C'est sur ce même thème, qu'il a réalisé plusieurs grands formats : Le Matador saluant que Louisine Havemeyer acheta à Théodore Duret, et Combat de taureau actuellement conservé au musée d'Orsay à Paris. Étienne Moreau-Nélaton et Adolphe Tabarant, s'accordent à dire que le frère de Manet, Eugène, a servi de modèle pour le personnage du matador saluant, et qu'il s'agit bien d'un torero applaudi par la foule après la mort du taureau.
Manet commence le Combat de taureau, à son retour de voyage en Espagne, en 1865. Dans son atelier de Paris, rue Guyot (aujourd'hui rue Médéric), il est possible qu'il ait utilisé à la fois des croquis faits sur place en Espagne (croquis que l'on n'a pas retrouvés à l'exception d'une aquarelle), mais aussi des gravures de La tauromaquia de Francisco de Goya qu'il possédait. Manet vouait une grande admiration au peintre espagnol qui l'a encore influencé sur d'autres sujets que la tauromachie notamment pour L'Exécution de Maximilien.
Manet à l'opposé de l'art saint-sulpicien, s'inscrit dans la lignée des maîtres italiens comme Fra Angelico, ou hispaniques comme Zurbaran, pour traiter avec réalisme les corps dans ses tableaux religieux, qu'il s'agisse du corps supplicié assis au bord du tombeau du Christ soutenu par les anges (1864, New York, Metropopolitan Museum of Art) reprenant la composition classique de l'iconographie chrétienne du Christ aux plaies comme celle du Christ mort soutenu par deux anges ou d'un « homme de chair et d’os, de peau et de barbe, et pas un pur et saint esprit en robe de bure » dans Un moine en prière (vers 1864). Il expose également au Salon de 1865 un Jésus insulté par les soldats.
Ces œuvres lui valurent des quolibets de Gustave Courbet ou de Théophile Gautier mais elles furent saluées par Émile Zola : « Je retrouve là Édouard Manet tout entier, avec les partis-pris de son œil et les audaces de sa main. On a dit que ce Christ n’était pas un Christ, et j’avoue que cela peut être ; pour moi, c’est un cadavre peint en pleine lumière, avec franchise et vigueur ; et même j’aime les anges du fond, ces enfants aux grandes ailes bleues qui ont une étrangeté si douce et si élégante. ».
Cette période d’Édouard Manet (autour des années 1864-1865) rejetée par la critique parce que non conforme à l'image d'un Manet laïque et rebelle, a été mise en relief dans une salle de l'exposition du musée d'Orsay (5 avril-17 juillet 2011). « La composante religieuse de l'art de Manet a autant révolté ses ennemis qu'embarrassé ses amis. » En 1884, lors de l'exposition posthume à l'école des beaux-arts en hommage à Manet, premier des modernes, Antonin Proust écarta les deux grands christs Jésus insulté et le Christ mort. L'ancien ministre Gambetta fit une exception pour Un moine en prière, en raison de son ostentation confessionnelle moins marquée. « L'image d'un Manet résolument laïque, aussi rebelle aux poncifs esthétiques qu'aux superstitions de l'église s'est ensuite transmise à l'histoire de l'art, gardienne du temple, notamment en son versant moderne. Pouvait-on admettre au xxe siècle que le peintre d'Olympia ait tâté de la Bible au milieu des années 1860, alors qu'agissait à Rome Pie IX, un des papes les plus répressifs de l'histoire de la chrétienté? Une telle position, entre amnésie confortable et cécité volontaire ignore superbement la complexité d'un peintre étranger à nos clivages, esthétiques, comme idéologiques. » Manet, comme Baudelaire, a pourtant manifesté un attachement, bien que peu orthodoxe, au Dieu des Écritures. Il avait déjà regroupé ses grands tableaux religieux lors d'une exposition particulière en 1867 place de l'Alma. Une sélection qui signifiait son refus de la « spécialité, » fléau dont Gautier et Baudelaire ne cessaient de dénoncer les ravages.
Les tableaux religieux de Manet réalisés pendant sa période hispanique, étaient bien davantage liés à la culture italienne. De ses séjours, en 1853 et 1857, Manet avait ramené des copies de Raphaël, d'Andrea del Sarto, Benozzo Gozzoli, Fra Angelico en premier lieu. Ses nombreuses sanguines pour le moine et le Christ jardinier et les gravures pour le Christ aux anges et Jésus insulté en sont la preuve la plus marquante69. Plus précisément, l'inspiration italienne se retrouve dès les tout débuts du peintre.